9 mois après la dissolution de l’Assemblée nationale, les Français sont désabusés par la politique. Emmanuel Macron en porte une immense part de responsabilité : après avoir créé un déficit budgétaire historique, il a refusé toute alternance et poussé à la formation d’une coalition gouvernementale des perdants. Ces mois d’instabilité ont entamé un peu plus la confiance des Français envers leurs représentants.
Ces dernières années, quatre grands mouvements populaires ont secoué notre pays : les Gilets jaunes, le mouvement contre la réforme des retraites, les violences urbaines qui ont suivi la mort du jeune Nahel et la gronde des agriculteurs. Portant des revendications différentes, ils n’en expriment pas moins toutes une demande fondamentale de démocratie. Ils ont aussi le point commun d’avoir éclos en dehors des partis politiques et, parfois, contre eux.
La rupture semble profonde : de plus en plus d’électeurs se réfugient dans l’abstention. D’autres, vers l’extrême-droite. Pourtant, ni Marine Le Pen ni Jordan Bardella ne protègeront les Français. Alors qu’ils contestent la justice de notre pays et menacent son indépendance, ils sont membres d’une internationale d’extrême droite incarnée par Donald Trump, Vladimir Poutine ou encore Viktor Orban, tous à la tête de systèmes oligarchiques.
L’histoire s’accélère. Le retour de Donald Trump à la tête des États-Unis précipite l’effondrement de l’ordre mondial bâti depuis 1945, laissant entrevoir le retour de la tentation autoritaire et le spectre de la guerre. Notre modèle démocratique, social et écologique est menacé à l’intérieur de nos frontières comme à l’extérieur. Tout peut basculer.
Au milieu des tremblements du monde, les socialistes doivent être au rendez-vous de leur histoire et de leur vocation. Nous voulons que le 81ème congrès du Parti socialiste soit un congrès de préparation de l’avenir et de rassemblement, tourné vers toutes celles qui veulent apporter leur énergie et des idées neuves. Pour cela, nous devons poser la première pierre d’un nouveau projet socialiste pour la France.
Depuis plusieurs mois, le Parti socialiste a entamé une démarche inédite d’écoute des Françaises et des Français éloignés de la politique, en dehors des grandes métropoles. Au long de ce tour de France, nous avons entendu des gens de tout âge, de toute origine et de tout métier, défiants vis-à-vis de la politique, mais malgré tout en attente que nous répondions avec sérieux à leurs préoccupations. Pour réveiller leur espoir, ce congrès devra répondre à ces questions : comment protéger les Français du nouveau désordre mondial ? Comment les convaincre qu’à nouveau, la politique et la gauche peuvent changer leur vie ? Comment la gauche peut-elle gagner et faire battre l’extrême-droite ?
Une oligarchie est en train de confisquer le pouvoir, financier, politique et médiatique. Elle est présente dans les médias, où 11 milliardaires contrôlent 80% de la presse quotidienne généraliste. Elle s’observe en politique, où 7% des députés sont des ouvriers et des employés. Une minorité concentre aussi le pouvoir économique et de plus en plus de richesses : en France, les 500 plus grandes fortunes possèdent l’équivalent de 45% de la richesse nationale. C’était 6% en 1996.
Le rôle du socialisme est de lutter contre cette concentration du pouvoir, d’agir pour l’égalité, la répartition des richesses, la justice fiscale, l’éducation et la culture pour tous, pour le pouvoir des travailleurs contre la toute-puissance des actionnaires, pour la préservation des biens communs face aux appétits infinis du profi. Notre héritage, ce sont les congés payés, l’État providence, les radios libres, le livre de poche, la parité, la retraite, l’impôt de solidarité sur la fortune, la diminution du temps de travail et l’amélioration des conditions de travail…
Sans la gauche et un Parti socialiste fort, nul espoir n’est permis. Depuis 2018, aux côtés des militants et d’une nouvelle génération d’élus, Olivier Faure a su relever le Parti dont tant prédisaient la disparition. La dynamique de rassemblement de la gauche et des écologistes qu’il a initiée a renoué avec l’histoire du socialisme français. Bien sûr, cette union n’est pas exempte de débats et de tensions, elle l’a toujours été dans l’histoire, mais elle a su lever un grand espoir et proposer une alternative à la droite et à l’extrême droite. Avec détermination, nous avons redonné à notre formation politique une image et une combativité renouvelées. Ce fut long, mais nos efforts paient. Ensemble, nous avons retrouvé notre place au cœur de la gauche et de la vie politique française.
Nous devons beaucoup à nos élus locaux, nos maires, nos présidents de départements et de régions. Ils incarnent le socialisme par la preuve, aussi bien dans les grandes métropoles que dans les villes moyennes et petites, les campagnes comme les quartiers populaires. Partout en France hexagonale et en Outre-mer, ils agissent pour soutenir nos industries, nos agriculteurs, ré-ouvrir des petites lignes de train. Nous sommes tout aussi fiers de nos parlementaires. Depuis 2022, les socialistes ont obtenu des victoires concrètes pour les Français, souvent votés à l’unanimité, dans leurs niches à l’Assemblée Nationale et au Sénat. En 2023, nous nous sommes maintenus comme le premier groupe d’opposition au Palais du Luxembourg. En 2024, nous avons doublé le nombre de nos députés au Palais Bourbon et au Parlement européen. Mais cela n’est pas suffisant. Face aux périls, nous devons accélérer : dès les prochaines semaines, nous engagerons la refonte du projet socialiste pour la France en vue du scrutin présidentiel.
Pour battre l’extrême droite, les socialistes, la gauche et les écologistes doivent non seulement retrouver le peuple, mais aussi le réunir.
Le socle électoral de la gauche s’est rétréci. De 43% des voix en 2012, le total des électeurs de gauche est passé à 27% en 2017, puis est légèrement remonté à 31% en 2022. Dans le même temps, l’abstention n’a fait que grimper. Surtout celle des ouvriers et des employés. Le premier parti des ouvriers est l’abstention. Ensuite, c’est l’extrême droite, puis la gauche – à 23%, contre 39% en 2012. Nous devons retrouver celles et ceux pour qui nous nous battons. Celles et ceux qui pâtiront les premiers d’une politique d’extrême droite, enfermée dans une logique nationaliste, individualiste et capitaliste qui n’a jamais nourri que le conflit et la guerre. La gauche est toujours arrivée au pouvoir à la faveur d’une alliance de classes, avec l’émancipation des travailleurs au cœur de son projet. C’était le cas du temps de Léon Blum, comme de François Mitterrand et François Hollande.
Nous ne retrouverons pas les Français sans une politique économique et sociale ambitieuse, de gauche. Partout en Europe, nous le voyons: les sociaux-démocrates qui adoptent une politique économique libérale et une politique migratoire purement restrictive servent la droite et l’extrême droite. Nous ne devons nier aucune des préoccupations qui sont celles de nos concitoyens: du pouvoir d’achat à l’immigration, en passant par l’insécurité, l’école et la santé. Mais nous devons y répondre en défendant la vision alternative qui est la nôtre. Pour l’immigration, nous mettons en avant l’intégration par le travail et la langue. S’agissant de l’insécurité, nous savons qu’elle est largement générée par le trafic de drogue et que son éradication suppose le déploiement de moyens nouveaux comme l’a plaidé notre camarade Jérôme Durain. Nous n’oublions pas qu’en France, 50% des violences contre les personnes ont lieu à l’intérieur de la famille. Qui parle de cette insécurité-là, si ce n’est nous ?
Nous devons partir de l’écoute des Français, de leur souffrance et de leurs espoirs : la non-reconnaissance de leur travail (dans le salaire, comme dans la retraite), l’insécurité et les incivilités du quotidien, la difficulté à accéder aux biens essentiels (école, logement, santé, transport…), le sentiment de n’être pas entendus dans une démocratie élitaire. Ces souffrances ne sont pas les mêmes sur tous les territoires. Dans les campagnes, la gauche a singulièrement décroché. Sur les 185 circonscriptions à majorité rurale de notre pays, seules 31 ont été remportées par la gauche, dont 17 par des socialistes. Ces territoires sinistrés de la gauche doivent nous obséder : nous devons y proposer un retour des communs, tant par les services publics que par les liens.
Nous ne devons pas non plus oublier que la première variable du vote d’extrême droite, partout dans le monde, est le sentiment de mépris et d’injustice que ressentent beaucoup de personnes peu ou pas diplômées. Benoit Coquard explique parfaitement ce phénomène de repli défensif où “ceux qui restent” valorisent d’abord la solidarité entre proches, la débrouillardise, la culture de la réussite sans faire d’études et sans dépendre de l’État. Nous devons comprendre ces jeunesses populaires et les valoriser. Quelle que soit sa position, la qualité de vie au travail doit devenir un enjeu prioritaire. Personne ne devrait se voir fermer les portes de l’ascension sociale parce qu’il n’a pas fait d’études longues, tellement coûteuses qu’elles ne sont pas accessibles à la plupart des jeunes Français. 68% des enfants de cadres font des études supérieures, contre 30% des enfants d’ouvriers et d’employés. Un capital républicain accordé à chaque enfant doit corriger ces inégalités.
La France souffre d’être divisée, fracturée. Le récit de “l’Archipel français”, amplifié par les médias et les réseaux sociaux, agit comme une prophétie auto-réalisatrice qui est un carburant électoral pour l’extrême droite. Notre pays ne ressemble pas à sa caricature. Nous refusons de diviser les Français en parts de marché électoral : les villes contre les campagnes, les quartiers populaires contre les zones péri-urbaines, les jeunes contre les vieux, les Français contre les étrangers…La France de Michel Sardou contre celle d’Aya Nakamura. Sur notre playlist, nous n’avons pas à choisir. Les Jeux Olympiques nous ont montré le chemin. Ceux qui ont intérêt à diviser le peuple français sont toujours les mêmes : l’extrême droite, et l’oligarchie financière qui se met à son service. Pour gouverner, elle déchire les Français. C’est pourquoi la gauche ne doit pas seulement retrouver le peuple mais le réunir. Le patriotisme que nous devons porter réside dans cette ambition de solidarité et de fierté nationale retrouvée.
Une clarification s’impose sur ce qui nous définit en tant que socialistes et sociaux-démocrates. Nous sommes tous des femmes et des hommes que les injustices font souffrir deux fois : parce qu’elles existent, et parce que beaucoup les nient. C’est la négation des injustices, par leur dissimulation, qui sans cesse conforte l’inaction. C’est pourquoi la lutte pour la liberté, l’égalité et la fraternité a besoin d’une gauche combative. Trop de ceux qui se décrivent en tout et pour tout comme « social-démocrate » ont oublié ce qu’était la social-démocratie. Elle n’est pas un programme mais une méthode de gouvernement, qui croit que la démocratie ne réside pas que dans le Parlement, mais aussi dans la société, les corps intermédiaires, les associations, les syndicats. Au gouvernement, la gauche sociale-démocrate s’appuie sur cette société civile pour aller arracher des victoires, comme Léon Blum l’a fait en 1936, avec les congés payés. Elle n’a rien à voir avec une gauche qui renoncerait à transformer radicalement la société et qui, pour finir, se confondrait avec un libéralisme social.
La ghettoïsation territoriale de notre pays est avancée. Les élites font sécession dans certains quartiers des métropoles où le prix de l’immobilier devient inabordable, les populations des quartiers populaires sont assignées à résidence, par les discriminations et les difficultés scolaires qu’elles subissent, les campagnes, loin des centres économiques, sociaux et culturels, sont livrées à elles-mêmes. Les Outre-mer, où les services publics sont défaillants et où même l’accès à l’eau potable est devenu un enjeu, désespèrent de la promesse républicaine d’égalité réelle.
Pour recréer du commun, nous devons organiser à nouveau la mixité. Ceci implique d’agir sur les prix de l’immobilier et en faveur du logement social, d’investir dans les transports, de modifier la carte scolaire. Aussi, l’instauration d’un Service civique Universel, loin de l’actuel SNU, doit permettre à tous les jeunes de notre pays de se croiser aux moments décisifs de leurs vies. La culture, qui unit, doit être protégée de l’austérité et de la privatisation, qui profite à l’extrême droite. Nous exigeons le maintien des crédits culturels, la défense de l’audiovisuel public, une juste rémunération des auteurs et un accès universel à la culture.
Nous devrons porter une attention particulière aux défis des zones “isolées”, en particulier les campagnes, les quartiers populaires et les Outre-mer». Nous devons dire la réalité de ces territoires que les socialistes connaissent bien et agir sur l’offre médicale, de garde d’enfants, de transports et d’emploi, avec un objectif: aucun service essentiel d’éducation ou de santé ne doit se trouver à plus de 30 minutes d’un citoyen.
Pour notre sécurité, notre souveraineté énergétique, notre puissance scientifique, industrielle et agricole, un pas supplémentaire dans la solidarité européenne est indispensable. Face à Trump, la seule réponse acceptable est celle de la fermeté et de la résistance. Nous pouvons construire une défense européenne débarrassée de sa dépendance aux États-Unis, sans pour autant renoncer à notre modèle social ou à notre ambition écologique. La protection de nos industries ne doit plus être un gros mot face aux délocalisations qui se poursuivent et à la concurrence déloyale massive. Les échanges commerciaux doivent être basés sur la réciprocité et l’alignement réglementaire vers le haut en matière environnementales et de droits humains.
Pour que l’Union européenne soit à la hauteur de l’histoire, nous devons lui en donner les moyens : acter le passage à la majorité qualifiée sur les questions de fiscalité, de défense et d’affaires étrangères ; tripler la taille du budget de l’Union avec la création de vrais impôts européens sur le patrimoine des milliardaires, les GAFAM, les cryptoactifs et les rachats d’action.
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Pendant des décennies, la France s’est laissé dépouiller de son industrie et a fragilisé son agriculture au nom d’un libre-échange sans règles. Ce renoncement a entamé notre souveraineté, détruit des filières entières et plongé des territoires dans le déclassement.
Nous devons renouer avec une politique industrielle ambitieuse pour relancer la production nationale dans de nombreux secteurs stratégiques, qu’il s’agisse des semi-conducteurs, des médicaments, des technologies de pointe, des véhicules électriques ou encore des énergies renouvelables. L’État doit redevenir stratège : conditionner les aides publiques à la création d’emplois et à l’investissement, relocaliser les secteurs clés, structurer des filières durables via la commande publique. La transition écologique ne doit pas détruire l’emploi mais le revaloriser : en lien avec les élus locaux, planifions la formation, anticipons les reconversions et bâtissons des filières d’avenir.
Face à la grande distribution, aux marchés internationaux et aux règles européennes inéquitables, nos agriculteurs sont pris à la gorge. Il est urgent de leur garantir un revenu digne les protégeant de la concurrence déloyale, y compris au sein du marché européen, en régulant les marges abusives des industries agroalimentaires et en favorisant les circuits courts. Nos cantines, hôpitaux et administrations doivent soutenir une agriculture locale et rémunératrice.
Héritiers des accords de Paris, nous observons avec consternation que nous nous orientons, si rien n’est fait, vers un réchauffement à +4 degrés à la fin du siècle. Nous subissons l’effondrement de la biodiversité et sommes exposés à des pollutions généralisées dont on peine à évaluer les conséquences sur la santé humaine et animale.
Nous portons la responsabilité de reconstruire une planète vivable pour les générations futures. Les énergies renouvelables, à travers l’éolien en mer et les panneaux solaires, doivent continuer d’être déployées en parallèle du maintien de notre filière nucléaire, pour limiter le réchauffement, baisser le coût de l’énergie et ne plus financer les régimes autoritaires assis sur la rente fossile.
L’écologie, pourvu qu’elle soit populaire, est une condition de notre bonheur. Nous portons un socialisme écologique qui n’est pas aveugle aux inégalités face au réchauffement climatique, et qui n’ignore pas non plus que pour beaucoup, être “écolo” aujourd’hui est hors de prix : la nourriture bio n’est pas accessible pour tous, ni la voiture électrique ou les ustensiles de cuisine sans PFAS. Nous devons continuer de défendre un « ISF climatique » et adosser à la planification écologique une règle “rouge” : aucun effort ne pourra être demandé aux plus précaires si ceux-ci ne sont pas compensés ni si l’effort n’est pas équitablement réparti.
Construire une société du travail et du mérite nécessite de réaliser une promesse simple: le travail doit payer, il ne doit pas être une souffrance et il doit ouvrir le droit à une retraite en bonne santé. Nous voulons convoquer une grande conférence sociale sur les salaires, qui prenne en compte la pénibilité et l’utilité sociale des métiers. Nous devons enfin ouvrir à tous, notamment aux ouvriers et aux employés, le bénéfice de la formation tout au long de la vie. Nous devons soulager les agriculteurs et les indépendants, les TPE-PME, des charges administratives superflues. Nous devrons augmenter la fiscalité sur le capital pour pouvoir alléger celle qui pèse sur le travail. Nous devrons réformer le système de retraite, en ramenant l’âge légal de départ à 62 ans.
Nous ferons de l’intelligence artificielle un chantier prioritaire de notre agenda social en créant les conditions d’un « dialogue social et technologique » pour mettre l’IA au service de l’humain, augmentant le temps libre au lieu d’intensifier les cadences et d’accroître la surveillance des travailleurs.
Les salariés doivent être associés aux transformations de leurs filières. Nous réformerons le mode de représentation des salariés des TPE-PME et leur donnerons enfin une voix. Nous voulons continuer à encourager la coopération, voire même la co-détermination quand cela est possible.
Toute personne qui travaille devrait pouvoir échapper à l’anxiété du découvert, qui touche chaque mois 20% des Français, et avoir le droit au bonheur. Pour cela, une augmentation du SMIC et des salaires est indispensable. Mais elle ne suffira pas. Il est temps d’agir sur toutes les dépenses dites “contraintes”, qui pèsent invariablement sur les Français: le transport, le logement, l’énergie et l’alimentation.
Tandis que des millions de gens peinent à remplir leur caddie ou à payer leurs factures, l’État doit interdire les marges excessives sur les produits de première nécessité et taxer fortement les superprofits des multinationales de l’énergie et de l’agroalimentaire. Un plafonnement des tarifs de l’électricité et du gaz doit être envisagé. La régulation des marchés dans les Outre-mer devra être renforcée pour lutter contre les monopoles et les pratiques anticoncurrentielles.
Pour faciliter l’accès au logement, qui représente en moyenne 30% du budget des ménages contre 17% il y a 40 ans, la taxation des plus-values spéculatives doit être renforcée pour freiner l’appétit des investisseurs qui accumulent des logements. L’encadrement des loyers doit être durci et appliqué partout où cela est nécessaire.
Dans les territoires ruraux et périurbains, il est urgent d’investir massivement dans les trains régionaux, les bus interurbains, le vélo et autres mobilités électriques pour offrir une alternative crédible à la voiture individuelle.
Nos services publics de santé et de soins aux personnes fragiles (âgées, en situation de handicap, jeunes enfants) sont dans un état catastrophique. Leurs agents sont essorés par le nombre des besoins insatisfaits et la logique du “chiffre”. Nous le répétons: la dépense sociale est un investissement. Les maux qu’elle permet d’éviter à la société coûteraient bien plus cher à guérir qu’à prévenir, à travers des services publics de qualité.
Nos hôpitaux, nos EHPAD et nos crèches doivent échapper à la logique du profit et retrouver un fonctionnement fondé sur les besoins des usagers. Nous continuerons à défendre une régulation de l’installation des médecins, en partant des besoins de santé de chaque territoire. La prise en charge de la santé mentale doit être complète ; en la matière, il faut encore briser les tabous. Pour les jeunes, premiers touchés par la précarité et les inégalités d’accès à l’éducation et à l’emploi, nous revendiquons une allocation d’autonomie dès 16 ans.
L’école n’est plus perçue comme un levier d’émancipation sociale. Elle est, aujourd’hui, un lieu de reproduction des inégalités. Selon les dernières enquêtes PISA, la France figure parmi les pays où le milieu social, économique et culturel d’un élève influe le plus sur ses performances scolaires. Ceci n’est pas une fatalité.
Notre ambition pour l’égalité réelle doit nous conduire à défendre le service public d’éducation contre toutes les formes de privatisations avouées ou masquées. Nous devrons réduire les effectifs dans les classes, permettre à la médecine scolaire de mener un travail de prévention dès l’école maternelle, conseiller et accompagner les familles en difficulté, rétablir une véritable formation initiale mais également continue pour les enseignants, permettre l’accueil des élèves en situation de handicap dans des conditions d’encadrement adaptées, agir de manière volontariste pour une mixité sociale et scolaire effective, passer d’une orientation subie à une orientation choisie. Nous devons aussi conditionner le financement de l’école privée sous contrat. Celle-ci, financée à hauteur de 75 % par les deniers publics sans véritable contrôle de l’État, refuse publiquement tout quota, rattachement à la carte scolaire ou affectation obligatoire des élèves. Cela ne peut plus durer.
Le Parti socialiste a une ligne claire : faire du combat féministe une priorité. Nous ne pouvons plus entendre que le féminisme serait un enjeu “sociétal”, l’autre mot de “subalterne”, quand il s’agit bien d’une question sociale, et démocratique. Alors qu’elles sont, statistiquement, plus diplômées, les femmes sont majoritaires dans les emplois précaires et mal rémunérés, notamment dans l’éducation, la santé, le travail social, l’aide à la personne ou le nettoyage. Elles continuent de gagner 22,2% de moins que la moyenne des salariés. Elles représentent 80% des cheffes de familles monoparentales. Elles assument l’essentiel des tâches ménagères et du soin aux enfants, gratuitement. Elles sont encore insuffisamment prises en compte dans leurs besoins de santé spécifiques (l’endométriose, la ménopause, la cystite…). Le procès de Mazan a montré au grand jour la banalité du viol dans notre société.
La gauche doit nommer et combattre le mal à la racine : l’idéologie patriarcale, qui opprime non seulement les femmes et les enfants, mais aussi les hommes eux-mêmes. Alors que l’extrême droite essaie de récupérer le féminisme pour imposer sa vision raciste et xénophobe, nous devons réaffirmer que le virilisme n’a pas de couleur de peau ni de religion particulière. La convention “Le temps des femmes” a fait une série de propositions ambitieuses pour rompre avec l’ordre patriarcal, que nous reprenons entièrement.
L’insécurité, les incivilités du quotidien, empoisonnent la vie de beaucoup de nos concitoyens. Pour agir en faveur d’un ordre juste, nous devons sortir le débat public du piège où il est tombé, entre une vision exclusivement répressive voire autoritaire de la droite, et l’idéologie parfois « anti-flics » de certains à gauche. Nos maires incarnent déjà cette politique, sur le terrain.
La convention “Sécurité” du Parti socialiste a illustré notre volonté de réinvestir les questions de sécurité avec plus d’une centaine de propositions que nous reprenons à notre compte, pour augmenter les effectifs de police et de gendarmerie, renforcer les polices municipales, lutter contre le trafic de drogue, combattre les violences intra-familiales, investir dans la médiation, mieux prévenir la délinquance en investissant sur la parentalité et la réussite éducative, redéfinir la doctrine de maintien de l’ordre dans les manifestations autour de la notion de désescalade, aller vers la légalisation encadrée du cannabis.
Il n’y a pas d’ordre sans justice. Nous devons rouvrir des tribunaux et lieux de justice de proximité, notamment de justice civile qui est la justice du quotidien : litiges entre voisins, surendettement, justice prud’homale qui ont été mises à mal par la rationalisation de leurs moyens. Les délais d’audiencement parfois à plus de deux ans sont inadmissibles : chacun doit pouvoir se voir apporter une réponse dans un délai raisonnable lorsqu’il saisit un Tribunal.
78% des Français estiment que notre système démocratique fonctionne mal. Ce chiffre accablant révèle un mal profond qu’Emmanuel Macron n’a fait qu’aggraver par sa pratique verticale du pouvoir. Sans révision substantielle de nos institutions, de nos méthodes, de l’organisation même du débat public, la crise démocratique qui monte depuis au moins 20 ans risque de faire sombrer notre pays dans la violence et le rendre incapable de surmonter les défis sociaux, écologiques et géopolitiques du XXIe siècle.
Reprenons les mots des Français, inscrits dans leurs cahiers de doléances, et élargissons ce débat aux forces politiques, aux syndicats et à la société civile. Nous porterons une grande conférence citoyenne pour un choc démocratique, qui comprendra des élus, des citoyens tirés au sort, des scientifiques et des professionnels du droit. Elle sera chargée de faire des propositions soumises à référendum. Les pistes de réflexion sont nombreuses : scrutin proportionnel, référendums citoyens et locaux, tirage au sort, amendements citoyens, financement public des médias indépendants, CSE avec pouvoirs renforcés dans les entreprises. Sans attendre, nous porterons une loi de lutte contre la concentration de la propriété des médias.
En France, les actes et paroles racistes contre les personnes de confession musulmane sont banalisés et ravivés par les discours de l’extrême droite. Ceci les expose à des discriminations dans l’accès au logement, à l’emploi, les confronte à des contrôles policiers plus fréquents. Depuis le 7 octobre, les actes antisémites explosent aussi. Travaillons à un plan d’urgence de lutte contre le racisme et l’antisémitisme qui financera une éducation populaire puissante, proposera des formations obligatoires, un testing annuel dans les services publics et une exclusion des entreprises discriminantes des marchés publics.
Nous devons encore et toujours protéger la laïcité, qui nous protège. Elle garantit à chacun la liberté de croire et de ne pas croire. Elle lutte contre l’obscurantisme religieux, garantit le droit au blasphème et éduque à la tolérance. Fidèles à la loi de 1905, nous refusons que la laïcité soit dévoyée pour s’attaquer à la liberté de culte. La lutte contre l’islamisme et son idéologie réactionnaire ne peut se faire qu’à travers des politiques d’émancipation.
Les crises récentes (Covid, Ukraine, inflation…) l’ont démontré : les collectivités locales sont des acteurs puissants de notre résilience collective. Pourtant, très loin des promesses girondines de sa campagne, Emmanuel Macron et ses gouvernements ont réduit à néant leur autonomie fiscale et financière, alourdit leurs charges de service public et en font désormais une variable d’ajustement budgétaire, avec 7 milliards d’efforts demandés en 2025.
Pionnier de la décentralisation, le Parti socialiste doit redevenir le fer de lance de la libre administration des collectivités locales et de la République des territoires, celle des plus de 500 000 élus locaux qui se mobilisent chaque jour au service des Français. Plusieurs axes pourront guider notre projet : refonder leur modèle de financement, leur redonner de l’autonomie fiscale, clarifier la répartition des compétences entre l’État et les collectivités et entre les collectivités, proposer enfin un véritable statut de l’élu permettant de susciter l’engagement et d’encourager notamment les jeunes et les actifs à s’engager.
Face aux défis du 21ème siècle, nous n’avons jamais eu autant besoin de coopération internationale. Pourtant, le spectre des nationalismes et de la guerre est de retour. Les Nations-Unies sont menacées. Jamais les dépenses militaires n’ont été aussi élevées ; à 2300 milliards chaque année, elles représentent 10 fois le montant de l’aide publique au développement. À l’opposé des nationalistes, nous reconnaissons et cultivons l’interdépendance entre les peuples, sans jeux d’intimidations et de confrontations stériles, à l’image de l’attitude du gouvernement face à l’Algérie.
Nous devons défendre le droit international partout, sans géométrie variable, et protéger les institutions chargées de le faire respecter. Conscients que l’internationale réactionnaire est aussi une internationale masculiniste, nous devons porter une diplomatie féministe et considérer l’égalité comme une politique de sécurité, en soutenant les femmes qui luttent pour leurs droits partout dans le monde.
Pendant des décennies, le Parti socialiste a été un parti-société, dans lequel le brassage social et générationnel a permis à des centaines de milliers de militants de se former et de rencontrer ceux qu’ils ne croisent pas dans leurs milieux respectifs. Aucune transformation de la société n’interviendra sans celle de notre outil politique qu’est le Parti. Si nous devons garder l’esprit de la vieille maison que sont la démocratie interne, la représentation proportionnelle et territoriale, notre rénovation est un mouvement permanent qui doit continuer.
Nous proposerons dès le mois de septembre l’ouverture du processus d’un Congrès statutaire. Vote électronique, transmission d’informations administratives et financières simplifiées pour les Fédérations, représentation militante : nous voulons une réécriture complète de nos statuts afin d’adopter consensuellement un texte de référence simplifié et moderne, qui s’appuiera sur les bonnes pratiques existantes dans les autres formations socialistes d’Europe.
Notre Conseil national peut davantage s’organiser comme véritable Parlement interne devant lequel ses représentants sont amenés à débattre avec un ordre du jour partagé avec l’exécutif du parti qu’est le Secrétariat national, avec une partie ouverte aux représentants des syndicats, associations, mouvements avec lequel nous aurons un travail de fond pour retrouver des relais à nos engagements.
A côté de nos instances, nous voulons instaurer un Forum citoyen, composé de militants et non militants, à parité et tirés au sort, qui définissent chaque année un thème sur lequel le Parti socialiste doit se prononcer.
Nous nous réjouissons d’avoir récemment rendu obligatoire la formation de tous les candidats à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Nous devons aller plus loin pour encourager les femmes à adhérer, à militer, à prendre des responsabilités au sein du parti et à se porter candidate aux élections. Nous devrons imposer la parité des têtes de listes et des sièges, selon les strates de gagnabilité.
Nous créerons une structure permanente de réflexion et de formation militante, avec des séminaires dédiés à la formation des cadres et des séminaires ouverts aux militants et sympathisants, sur tous supports pour permettre à tous ceux qui poussent notre porte d’être conscientisés aux grands enjeux de société.
L’ancrage du Parti socialiste à gauche doit se poursuivre auprès des partenaires de gauche et de nos principales forces que sont notre ancrage territorial et nos relais retrouvés au sein du monde scientifique et intellectuel.
Nos collectivités territoriales sont le laboratoire d’avancées qui ont été ensuite généralisées. Nous souhaitons un Laboratoire des innovations territoriales, en lien avec la FNESR-Condorcet et nos représentants dans les associations représentatives d’élus (AMF, ADF, ARF, Maires ruraux, APVF), qui doit permettre à nos élus d’échanger, de comparer, d’éprouver leurs politiques publiques pour que les bonnes pratiques infusent. A l’image du Laboratoire des idées qui avait été initié par Martine Aubry lors de son mandat, nous voulons également reconstruire un lien fort avec la société civile organisée, autour de combats communs dans un Institut de la prospective. Impulsons une vision à 50 ans qui nous permettra de décliner, pour chaque échéance, nos propositions pour un futur désirable.
Nous souhaitons enfin dédier des moyens spécifiques pour les Fédérations et militants d’Outre-mer. Suivi attentif, moyens renforcés et réunions sur leurs fuseaux horaires pour leurs permettre de suivre les débats et formations du Parti sont incontournables pour assurer l’égalité territoriale.
La Gauche ne gagnera pas sans la joie. Retrouvons des moments de bonheur, entre socialistes et avec la société, en amplifiant des Fêtes de la Rose et autres Banquets républicains qui existent déjà dans de nombreuses Fédérations. Occupons la place publique avec ces moments conviviaux et inclusifs, où nous pouvons refaire société.
Lors de la prochaine élection présidentielle, nous souhaitons qu’une candidature socialiste puisse opérer le rassemblement de la gauche non-mélenchoniste. Pour y parvenir, nous proposerons, à rebours d’un discours autonomiste qui voudrait décréter l’hégémonie socialiste sans s’ouvrir aux partenaires, la création d’une plateforme de la gauche, de Ruffin à Glucksmann, qui discutera des modalités d’une candidature commune.